Présidentielles 2022
MARS 2022
Le GICAN, Groupement des Industries de Construction et Activités Navales, est le syndicat professionnel qui représente la filière navale française, et fédère plus de 240 industriels et organisations du secteur
maritime français. Il réunit les chantiers navals, systémiers, équipementiers, sous-traitants, sociétés d’ingénierie, architectes navals et toutes les entreprises qui concourent à la construction navale civile et
à ses équipements, à la construction navale de défense, de sûreté et de sécurité, aux énergies marines renouvelables, à la valorisation et à la protection des océans. L’espace où s’exercent les activités navales
s’étend au-delà de la surface et des eaux sous-marines pour englober le fond des mers, le rivage, les fleuves et l’espace aéromaritime. L’action du GICAN englobe donc l’ensemble de ces domaines, et de l’industrie technologique maritime.
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Les entreprises adhérentes au GICAN ont fait preuve de résilience et d’une forte capacité d’adaptation pour traverser la crise sanitaire. Cependant, étant une industrie du temps long, le secteur craint une
crise dans 2-3 ans, quand les carnets de commande, aujourd’hui encore assez fournis, auront été exécutés, puisqu’ils n’ont pas été remplis par de nouvelles commandes en 2020 et 2021.
Le GICAN représente une filière créatrice d’emplois de haute technologie dans les territoires et fortement exportatrice, désireuse de retrouver sa compétitivité et son dynamisme économique d’avant crise. Le développement de la France passera par la mer et la politique maritime ambitieuse de la France n’aurait pas de sens sans un outil industriel fort au service de sa souveraineté.
Chiffres-clefs de la navale française (civile et de défense) :
adhérents
milliards d’euros de CA, dont environ 55% coté défense, et 45% coté civil
emplois
pourcents à l’export
Objectifs :
ASSURER LA PERENNITE DE LA FILIERE ET VEILLER A LA SOUVERAINETE
Concernant la navale civile, le GICAN est actif au sein de l’association européenne de l’industrie navale SEA Europe, sur le sujet fondamental de l’adoption par l’Union européenne d’une règlementation contre les distorsions de concurrence déloyales venant de l’étranger et affectant le marché intérieur de l’Union européenne (« foreign subsidies regulation »). Ce serait le premier instrument européen, depuis plus de 20 ans, permettant à la navale de faire face aux distorsions de marché, venant surtout de concurrents chinois et coréens, même s’il ne couvrira pas toutes les distorsions, en particulier liées aux sous- évaluations des monnaies, ou aux conditions socio-environnementales.
Du point de vue de l’autonomie stratégique et industrielle de la France, il est nécessaire de surveiller et protéger le tissu de sous-traitance, pour préserver le savoir-faire français. Un des axes est de continuer le contrôle des investissements étrangers, et d’accélérer sur l’export.
La réalisation d’un inventaire des dépendances vis-à-vis de pays comme la Chine (pour certaines matières), ou de restrictions liées par exemple aux règles de l’ITAR des Etats-Unis, est nécessaire pour pointer les besoins de maintien de la souveraineté française.
Également, dans le cadre du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), en cours d’élaboration par l’Union européenne, le prix des matières premières risque de fortement augmenter, ce qui se répercutera sur les coûts de production des navires construits en Union européenne, alors qu’il serait possible d’importer des coques nues qui, n’étant pas des matières premières, ne seraient pas incluses dans le mécanisme. La position du GICAN, avec SEA Europe, est donc de faire inclure dans le MACF les biens importés utilisant les matières premières visées par ce mécanisme, notamment les navires (et coques nues, bien entendu).
ACTER UNE RELANCE PAR LES COMMANDES
1. Accélérer la commande publique
Le secteur doit pouvoir compter sur la commande publique, en veillant à s’assurer qu’une partie significative de ces commandes, de l’Etat comme des régions, soit adressée au tissu français, ou européen, notamment de PME et ETI. Dans les régions, cela concerne principalement les navires liés aux activités des ports, les navettes de transport de passagers (dans le cadre de la délégation de service public), les navires spécialisés de type dragues, baliseurs ou câbliers, ou encore les énergies marines renouvelables.
Le renouvellement des moyens de la fonction garde-côte doit se poursuivre et s’accentuer. De même, la stratégie d’exploration des Grands Fonds Marins (GFM) doit déboucher sur des commandes publiques. Alors que la thématique des grands fonds marins est renforcée et s’inscrit dans la dynamique de la stratégie nationale GFM du CIMER 2021 et de la priorité 10 du plan « France 2030 » sur l’exploration des GFM et de sa biodiversité, il est essentiel que l’Etat donne aux industriels une vision stratégique passant par la commande publique.
2. Développer un plan export et de coopération maritime ambitieux, soutenu par l’Etat
L’industrie navale civile réalise 95% de son chiffre d’affaires en navires neufs à l’export. Cela a un impact positif d’un à deux milliards d’euros par an sur la balance commerciale française. A noter que pour la navale de défense, la part export est moindre, mais essentielle aussi pour nombre d’acteurs français de la filière. Plusieurs sujets doivent être pris en compte pour développer la compétitivité de l’industrie française :
• Il est fondamental d’engager une meilleure coordination avec les services de l’Etat en termes d’« intelligence économique » et de présence commerciale, en particulier sur les zones commerciales prioritaires, et d’encourager à des groupements d’entreprises avec des offres communes.
• Le soutien de l’Etat aux exportations passe par le développement d’aides adaptées aux différentes typologies d’entreprises. Ce travail doit se faire avec le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance.
• Afin de lutter contre la concurrence déloyale, des mesures doivent être prises sur la fiscalité et sur les crédits export. Pour ce faire, il est demandé d’augmenter les lignes de crédit acheteurs pour les prospects les plus fragiles et de faire modifier les règles de l’Arrangement OCDE sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public, ainsi que celles concernant les garanties à l’export :
o assouplir les conditions des crédits de l’OCDE pour le verdissement des navires ;
o porter le seuil de CA des PME et ETI exportatrices de 150 à 250 millions d’euros pour l’octroi d’une contre-garantie à hauteur de 80% ;
o réduire le ratio de solvabilité pour l’émission des garanties à 15% des fonds propres ;
o continuer la mise en place des financements relais des défauts de paiement des clients affectés par la crise de la Covid-19 et par la crise en Ukraine sur une période à convenir.
3. Conditionner les aides françaises au transport maritime et améliorer la compétitivité de la filière
Il s’agit de mettre en place des aides destinées aux armateurs, en particulier pour l’acquisition de navires verts, qui soient liées à la part des commandes (de navires et d’équipements) passée au niveau français ou européen.
A l’instar des voitures électriques et à basse empreinte carbone qui bénéficient d’un soutien à l’achat, les technologies vertes maritimes doivent pouvoir bénéficier d’un soutien à l’achat et à l’installation. Navires électriques, piles à combustible, nouveaux carburants, propulsion par le vent, designs innovants, foils, c’est non seulement leur développement et industrialisation en France qui doit être soutenu mais aussi leur déploiement commercial. Plusieurs mécanismes sont envisageables et la filière souhaite engager dès aujourd’hui les travaux avec l’Etat.
ACCELERER LES PLANS D’INVESTISSEMENT DANS LA R&D ET EN PARTICULIER POUR LA DECARBONATION DU TRANSPORT MARITIME
1. Soutenir la R&D maritime
Depuis 2018, le Conseil d’Orientation de la Recherche et de l’Innovation de la filière des Industriels de la Mer (CORIMER) constitue une enceinte de dialogue État-filière et de fléchage des projets vers les dispositifs de soutien publics, en particulier ceux du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA). Le CORIMER a progressivement rassemblé l’ensemble des acteurs autour d’un agenda de recherche et innovation (R&I) commun, selon des feuilles de route technologiques : les bateaux intelligents et systèmes autonomes (Smart Ship), la décarbonation et navires écologiques (Green Ship), les nouveaux matériaux et chantier intelligent (Smart Yard), et l’industrie offshore de nouvelle génération (Next-Gen Offshore Industrie).
Il convient à présent de confirmer le développement du CORIMER avec : une montée en puissance des financements, et une augmentation des taux de subvention lorsque l’industrialisation des produits et systèmes est faite en France, en transformant les avances remboursables en subventions. Ce serait pour notre industrie un vrai levier de compétitivité et de différenciation, et une reconnaissance à la fois de son caractère stratégique et de la création de valeur sur le territoire national.
Le besoin est de financer les projets de rupture, mais également les démonstrateurs. Cependant, au-delà d’une aide vers les projets pilotes de développement technologique, il est aussi fondamental d’avoir des soutiens financiers publics pour compenser, en partie significative, les surcoûts liés à l’installation et àl’exploitation des nouvelles technologies sur les navires exploités commercialement. L’objectif est d’affermir ces technologies, de les massifier et ne pas en rester à des démonstrateurs sans suite commerciale.
2. Soutenir la décarbonation du secteur dans ses usages et procédés
La feuille de route technologique Green Ship, élaborée en lien avec les utilisateurs finaux, donne un cap aux efforts de R&D requis pour générer les nécessaires ruptures technologiques et orienter la sélection des projets de la filière dans le cadre du CORIMER. Au-delà de ces activités de R&D, se pose la question du déploiement et de l’accélération de la maturation industrielle et économique de ces solutions. Une réflexion Etat-filière est en cours pour accompagner au mieux la construction et l’acquisition de navires décarbonés (10 à 20% de surcoût, voire plus, par rapport à des navires traditionnels), conformes aux nouvelles exigences européennes et mondiales
Aux différents stades de leur production, les équipements des Industriels de la Mer (navires, éoliennes, etc.) peuvent être sources d’émissions de gaz à effet de serre. L’enjeu est d’identifier les activités les plus émettrices et d’établir un bilan des émissions produites. Il est nécessaire d’explorer les leviers de décarbonation possibles, qu’il s’agisse du fonctionnement des sites, des techniques de fabrication, du type d’énergie utilisée, des mesures d’efficacité énergétique mises en place ou du choix des matériaux (acier bas carbone, plastiques biosourcés, pratiques liées à l’économie circulaire), s’appuyant notamment sur la feuille de route technologique Smart Yard. L’objectif sera ensuite de produire une feuille de route de décarbonation des activités des Industriels de la Mer sur le territoire français, à horizon 2030 et avec des pistes pour 2050. Cette feuille de route détaillera les spécificités propres à chaque activité et proposera des projets concrets de décarbonation.
3. Assurer l’orientation des revenus en lien avec « Fit For 55 » vers le verdissement du maritime
Le GICAN soutient l’ambition du Pacte vert européen se traduisant par le développement du paquet législatif « Fit For 55 ». Il s’agit d’une opportunité à la fois pour combattre le changement climatique et pour déployer une stratégie économique et industrielle ambitieuse pour le secteur des chantiers et des équipementiers navals. Les revenus de l’extension des quotas carbone au secteur maritime et les dispositions de FuelEU Maritime doivent être attribués à la transformation des navires à la fois sur le développement et sur le déploiement des technologies vertes, tant d’un point de vue européen qu’au niveau français. Les carburants de demain de notre secteur sont encore sujets à de nombreuses incertitudes technico-économiques et les politiques publiques doivent être centrées sur des objectifs de réduction des émissions sur l’ensemble du cycle de vie des carburants afin d’encourager l’ensemble des technologies d’efficacité énergétique.
CONTRIBUER AU DEVELOPPEMENT DE L’EMPLOI LOCAL
1. Favoriser la « Part France »
Une augmentation de la « Part France » doit être poussée fortement dans les appels d’offres pour apporter du soutien aux chantiers et autres industriels locaux. Le GICAN a d’ailleurs signé un engagement avec les Armateurs de France lors des Assises de l’Economie de la Mer en septembre 2021 à Nice. Le GICAN préconise la constitution d’un clausier partagé avec l’Etat.Il s’agit aussi pour l’Etat de favoriser la présence de spécialistes français dans les instances de normalisation et de certification.
2. Renforcer la valeur ajoutée locale des métiers de la filière et développer la formation
Le secteur maritime est confronté à la fois à des difficultés de recrutement et à un manque de compétences devenu structurel sur certains métiers-clefs, essentiellement ouvriers et techniciens (du brevet à bac +3). Cet état de fait est dû à la fois à un défaut d’attractivité des métiers industriels et à une offre de formation initiale encore très fragmentée et ne tenant pas assez compte des besoins des industriels. Or les compétences exigées sont rares et s’acquièrent dans la durée.
Seule la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée dans les territoires côtiers, avec des perspectives de carrière motivantes sur le long terme, permettra d’accompagner et de pérenniser la croissance du secteur, tâche à laquelle s’attèle le CINav (Campus des Industries Navales). Il faut accélérer la navalisation et la maritimisation des formations. La filière continue d’insister sur le besoin de formation sur les métiers en tension (plus de 30 ont été relevés). De plus, dans le contexte actuel de réindustrialisation et de relocalisation, il s’agit de maintenir et renforcer les capacités technologiques en France (moteurs, navires autonomes et navires propres, batteries…) en insistant sur le contenu local.
Point sur l’attaque
de l’Ukraine
par la Russie
Il existe plus de 700 millions d’euros de risque sur les contrats en cours pour les équipementiers et chantiers civils, sur ces deux pays. Cette crise impacte jusqu’à 25% du carnet de commandes de certains adhérents, qui doivent aussi supporter les coûts liés à l’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie, sans compter les difficultés d’approvisionnement de certains intrants.
Des travailleurs ukrainiens sont présents dans les chantiers français et leur départ pourrait avoir un
impact non négligeable sur la continuité des lignes de production.