Entretien avec Jean-Marie Dumon, Délégué général adjoint du Gican.
Jean-Marie Dumon : C'est vrai que c'est l'image que l'on peut donner du secteur, du fait notamment de la compétition que nos grands chantiers ont parfois sur des marchés à l'exportation. Ce n'est pas du tout contradictoire sur une réalité de coopération européenne, de plus en plus importante. Ce genre d'événement l'illustre justement.
Nous coopérons de plus en plus sur des feuilles de route communes en matière de R & D, sur des développements en commun, aidés en cela par une approche de la commission européenne et des États membres de plus en plus volontaristes, via par exemple le fonds de Défense. Nous mettons de plus en plus d'argent sur la table. Les industriels sont conscients de leur responsabilité, et s'engagent à faire face au défi technologique et de la concurrence extra-européenne.
Comment se caractérise justement cette concurrence ?
J-M. D. : Il y a l'Amérique du Nord, et notamment les États-Unis, qui a une forte industrie navale avec du volume domestique. On observe aussi la montée en puissance de l'industrie asiatique. C'est vrai avec la Corée du Sud sur le segment civil, mais aussi la Chine, sur les deux volets, construction navale et civil. Il y a tout ce qui se passe dans le Pacifique, mais aussi des acteurs émergents comme la Turquie qui, dans le milieu de gamme, développe de plus en plus une industrie navale dynamique.
Nous sommes au carrefour de ce paysage industriel et géopolitique. Il provoque cette mise en synergie de notre industrie européenne, malgré la concurrence entre Européens sur des appels d'offres. Celle-ci est assez logique. Un chantier naval est introduit à un endroit, on ne peut pas le déplacer. À Cherbourg, vous avez des infrastructures de production, de maintenance, de démantèlement... On ne va pas les déplacer dans un autre pays européen.
« L’industrie est prête »
Le déclenchement de la guerre en Ukraine a-t-il renforcé ces coopérations ?
J-M. D. : Nous avons une perception de l'économie de guerre qui est de plus en marquée dans l'Union européenne. On l'a vu en France en particulier depuis plus d'un an, où il est demandé aux industriels de se mettre en position d'augmentation de production à l'avenir. C'est une réalité.
Pour le milieu naval, c'est une deuxième étape, qu'il faudrait aborder à un moment ou à un autre. L'industrie est prête. C'est une préoccupation du quotidien. Nous sommes favorables pour amplifier la coopération européenne, mais cela passe par des commandes, des engagements des États membres à faire des demandes communes ou assez convergentes. Ces prérequis nous permettront d'avancer un peu plus.
Le président de la République était à Cherbourg le mois dernier pour ses vœux aux Armées. Il a distribué bons et mauvais points aux industriels sur ce passage à l'économie de guerre. Depuis un an, concrètement, qu'est-ce qui a changé ?
J-M. D. : Notre industrie navale est engagée à augmenter sa capacité de production, et à diminuer au maximum les cycles. Nous sommes une industrie du temps long. Entre le moment où l'on décide de lancer un nouveau navire et le moment de sa fin de vie, ce sont plusieurs dizaines d'années. À titre d'exemple, nous sommes aujourd'hui en mesure de produire une frégate tous les six mois.
Nous avons des outils digitaux et industriels qui nous permettent de gagner du temps ou de la performance sur le design. Nous avons aussi tenu compte des questions d'approvisionnement de matières premières pour être en capacité de livrer plus vite. Ces sujets sont traités avec l'État et le ministère des Armées.
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